Bière et vin : Bruxelles, capitale bilingue ?
Vu de France, la Belgique reste (encore) un pays de bière. Mais les caves et maisons de Crozes-Hermitage, qui y comptent nombre d’amis parmi les gens de bouche, savent bien que Bruxelles est plurielle. Décryptage par Cédric Dautinger.
Un litre de vin pour deux de bière. Voilà, en proportion, le régime type aujourd’hui en vigueur outre-Quiévrain. Oui, l’orge n’est plus l’ogre qu’elle fut et si elle a toujours raison du raisin, l’écart se contracte. Et à voir ses rues avec ses enseignes de cavistes et ses bars à vin en nombre, il semblerait que Bruxelles a particulièrement faim de vin. D’ailleurs, à en croire les statistiques, ses habitants font encore mieux, en ce qui concerne la consommation de vin, que le reste du pays !
Le vin, un phénomène contemporain qu’on devrait à la mondialisation des modes de vie, laquelle toucherai d’abord les grandes villes ? Peut-être mais pas seulement. Car l’histoire du vin dans ce qui deviendra un jour la Belgique remonte à loin, et plus exactement à la conquête romaine car ce sont d’anciens légionnaires qui, marchant dans les pas de Jules César, introduisirent la culture de la vigne, soutenus par des marchands qui firent du vin la boisson de l’élite, par opposition à la cervoise, brocardée en boisson du peuple.
Au cours des siècles qui suivirent, le vin local prospéra mais jamais au point, compte tenu des rigueurs du climat nordique, de concurrencer ceux produits dans des contrées plus riantes, lesquelles monopolisèrent de plus en plus le marché, en particulier à partir de ce quatorzième siècle qui vit les échanges à travers l’Europe progresser.
L’histoire toujours. Car c’est un autre événement historique, en effet, qui va faire de la Belgique un pays réputé de bière. Cet événement, il s’agit de la Révolution française qui va conduire au départ hors de France de nombreux moines, dont un grand nombre s’exile dans ce qui deviendra en 1930 la Belgique. Ils y fondent les fameuses abbayes trappistes qui vont vite rayonner, à travers le pays mais aussi le continent, faisant connaitre les bières belges et reconnaître la Belgique en pays de bière, escamotant que les racines de celle-ci sont, en matière de consommation de boissons issues de la fermentation alcoolique, bien plus complexes. Car oui, il n’est pas vain de dire que le vin est ancien en Belgique.
Et puis dans cette capitale européenne, on a appris la culture de la coexistence ainsi que le prouvent de nombreux pros à l’instar du sommelier Maxence Riegert, formé en France, passé par l’Espagne et aujourd’hui en poste au Savage, le restaurant du chef Joel Rammelsberg, place Saint-Boniface, qui aime à mêler la bière et le vin au cours d’un même repas :
"Quand je réfléchis à un accord, je pense d’abord en fonction du contenu de l’assiette mais je peux aussi tenir compte de l’ambiance, de la météo ou du moment dans le repas. D’ailleurs, je propose quasiment toujours de commencer par une boisson rafraichissante. C’est souvent une bière mais cela peut aussi être un cidre, un vin pétillant assemblé avec du vermouth ou un saké. Ensuite, je cherche quelque chose de plus complexe, de plus recherché, c'est ma zone d'expérimentation ! C'est généralement un accord moins évident mais je tiens à ce qu’on puisse le comprendre et l’apprécier. Sur le plat, je retombe toujours sur mes pattes avec un vin, qui va apporter du réconfort. Mon parti pris est de varier les goûts, donc les types de boissons."