Le 5e Cru
Bruno Daniault, Paris
Après trente ans dans le cinéma indépendant, l’autodidacte Bruno Daniault a posé ses bobines et ses babines au 5e Cru, un rade de caractère dans son jus, entre cave à manger et cantine de quartier. Ici, oubliez le jargon imbuvable : les vins se décrivent de manière décomplexée avec des émotions, des poèmes, des personnalités... Alors, partant pour une soirée avec un rugbyman en costard ? Oui oui, on parle bien d’un verre de Crozes-Hermitage. Explications avec ce caviste pas comme les autres.
« Satisfaire tous les goûts et toutes les bourses »
Au 5e Cru, on y vient pour taquiner une choucroute le midi, dénicher une bouteille en passant dans le quartier, puis picorer des planches de cochonnailles et de fromages haute-croûture. En bref, dans l’assiette et dans le verre : la qualité, toujours accessible. Car, depuis cinq ans que Bruno, avec son épouse Béatrice et Nabilla en cuisine, a repris le lieu, il s’affirme comme une « passerelle entre un travail bien fait et quelqu’un qui se fait plaisir ». Pourtant, totalement autodidacte, ce cinéaste ne connaissait pas grand-chose au vin quand il a débuté. « Quand j’ai démarré, je pensais que Sauvignon était un village ! Pour pouvoir parler des vins, il fallait donc que je propose uniquement les bouteilles que j’avais goûtées et appréciées, en cherchant à satisfaire tous les goûts et toutes les bourses ». En résulte une méthode authentique et décomplexée pour faire choisir la bouteille…
« J’implique toujours la personne dans le choix de son vin »
En montrant les deux immenses étagères qui recouvrent les murs jusqu’au plafond, Bruno déclame : « La carte de rouge est de ce côté-là, la carte des blancs est de ce côté-ci, et la carte vivante… c’est moi. » Soit 300 références disponibles en petites quantités, sans stock (sauf pour constituer la rampe d’escalier), toutes disponibles à table, moyennant un petit droit de bouchon de 6 euros. Alors, il suffit d’arpenter cette collection à portée de main et de verre, ou décrire à Bruno notre envie du moment. « J’implique toujours la personne dans le choix de son vin, en l’invitant à s’exprimer avec ses mots, sur la journée passée, une musique, des couleurs, de la poésie, des personnalités… Il y a aussi une méthode égoïste, où l’on choisit en ne pensant qu’à soi, puis altruiste, en se projetant dans le goût de l’autre. Au fil de la discussion, je pense à des bouteilles, je raconte leur histoire, et on se retrouve à être de connivence dans un acte de partage, plutôt que rester de simples buveurs d’étiquettes ! »
« Beaucoup de personnes me réclamaient du Crozes-Hermitage, même des Irlandaises dernièrement ! »
Pour constituer sa cave, Bruno est parti du stock du précédent propriétaire, tout en personnalisant son approche. Étonnement, le Crozes-Hermitage a mis du temps à rejoindre la carte. « Je ne connaissais pas bien cette appellation, mais beaucoup de personnes me réclamaient du Crozes-Hermitage, même des Irlandaises dernièrement ! Ça a donc piqué ma curiosité. Ce que j’ai trouvé dans le Crozes-Hermitage, c’est un panel avec des choses légères et une longueur intéressante, des rouges qui présentent de la caillasse, de la verticale, du bois vivant et du fruit. Au début, je prenais des vins timides, puis je suis allé vers les rugbymen en costume ! Les rugbymen, ils ont la même carrure que les déménageurs… mais pas la même élégance ! »
« Dans la syrah, il y a ce côté avenant, ce plaisir de suivre, sans forcer... »
Parmi l’étagère des vins blancs, la cuvée "Sens" de Laurent Fayolle se distingue fièrement. « Le Crozes-Hermitage a sa place dans cette nébuleuse de blancs, avec un fruit plus concentré mais pas forcément plus épais, plus doux que d’autres ». Du côté des rouges, ils sont plutôt de bonne humeur, libres, sympathiques… les mots ne manquent jamais pour les décrire. Et l’élégance, alors, qui revient si souvent ? « Même si c’est dur à qualifier, l’élégance d’un vin, c’est adhérer au chemin proposé. Par exemple, je dirais que le pinot noir est plus dandy qu’élégant, c’est juste de la façade, ça manque de sincérité. Alors que la syrah, quand elle parvient à être ni trop juteuse, ni trop réglisse, il y a cette harmonie, ce côté avenant, ce plaisir de suivre sans forcer, la camaraderie qui va virer à l’amitié où on ne se pose plus de question, on se fait juste confiance. »
Ses références en AOP Crozes-Hermitage
- Domaine Laurent Fayolle, Sens, 2018 (blanc)
- Domaine Laurent Fayolle, Les Pontaix, 2018 (rouge)
- Domaine Equis (Maxime Graillot et Thomas Schmittel), Equinoxe, 2020 (rouge)
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