Bérangère Fagart
Sélune, Paris 11e
Ouvert en décembre 2019, dans les hauteurs du faubourg Saint-Antoine, Sélune est le projet d’une des cheffes les plus engagées et engageantes de la nouvelle génération : Bérangère Fagart. Associée à Arnould Bazire, elle a voulu sortir des cadres de la restauration classique et se libérer des carcans du fine dining, loin, très loin des us et coutumes parfois brutaux de la vieille école. Son écrin parisien, installé dans une taverne de mousquetaires du dix-huitième siècle, a des allures de repaire de corsaires, où le bon et le bien tiennent lieu de pavillon de ralliement. « Sélune est le nom d’une des rivières qui se jettent dans la baie du Mont Saint-Michel. J’ai passé mon adolescence dans cette région et mes parents y habitent encore. Je puise une grande partie de mon inspiration dans ce terroir riche, à mi-chemin entre terre et mer, et j’y ajoute tout ce que mes voyages à l’étranger ont pu m’apporter. »
Liberté, égalité, sororité
Un ancrage à mille lieux de toute nostalgie complaisante. Bérangère Fagart chérit ses souvenirs tout en se tournant résolument vers l’avenir : « Le monde de la cuisine doit évoluer. Les violences et les discriminations y ont trop longtemps été la règle. En ouvrant Sélune, nous avons aussi voulu affirmer une autre façon de vivre la restauration, dans le respect de chacun et avec un vrai travail d’équipe. Nous voulons déconstruire le modèle de la brigade "militaire" et faire changer les choses. Nous faisons un métier difficile mais on peut l’alléger, en préservant l’humain, en accordant des congés suffisants et surtout en donnant de la liberté et des responsabilités à chacun. Dans mon équipe, je veux que tout le monde puisse apporter des idées et je veux rester ouverte à la dynamique collective, dans une structure plus horizontale où je suis moi aussi amenée à m’adapter. Si les gens désertent les métiers de la restauration, c’est sans doute parce qu’on les fait fuir, il faut désormais se remettre en question et faire bouger les lignes. »
Grandeur nature
Trois entrées, trois plats, trois desserts, avec à chaque fois une proposition marine, une carnée et une végétale. Chez Sélune la carte ne joue pas les divas mais se veut œcuménique. On y suit le fil des racines normandes de la cheffe, sublimées par sa créativité généreuse. On se souviendra longtemps de ce pressé de bœuf et son jus à la réglisse, puissant et gourmand, ou de cet artichaut flamboyant, farci d’un tarama d’algues et d’une brunoise poivrons carottes. Co-secrétaire de l’association Écotable, qui promeut et défend l’alimentation durable, Bérangère Fagart applique dans sa cuisine les principes d’écoresponsabilité sans jamais laisser ces derniers empiéter sur le plaisir et la joie de la dégustation. Une superbe preuve de la pertinence d’une telle démarche, tout autant que de sa nécessité, et un signal d’espoir fort. L’espoir de ne jamais au grand jamais perdre le goût de tout ce qui nous rassemble, et de continuer à partager les fruits de la nature, à la table de Sélune.
Coup de cœur pour le Domaine des Entrefaux
La carte des vins de Sélune doit beaucoup à Antoine Gasse, musicien délicat et sommelier sans œillères, il a été l’artisan de l’épanouissement de la cave, et de l’arrivée notamment du Domaine des Entrefaux dans les références maison. « J’ai eu la chance de passer une semaine dans le vignoble cet été et j’ai pu rencontrer Charles et Anne Tardy. J’apprécie beaucoup leur travail sur les sols et le fait qu’ils se soient engagés en faveur d’une viticulture responsable depuis les années 90, avant les effets de mode. Cette exigence se retrouve à la dégustation, avec un vin parfaitement équilibré, même dans sa jeunesse, juteux, pas trop sur le bois… On sent l’excellent travail au chai, très propre, et tout cela pour un rapport qualité-prix vraiment intéressant qui le rend accessible à tous. »
Contacts
Sélune
37 bis rue de Montreuil 75011 Paris
01 43 72 42 32 - www.selunerestaurant.com
Crédit photo Sélune